L’immense archipel indonésien commence d’exercer une fascination intense sur les marchands européens dès le 16ème siècle. Ce sont les portugais qui les premiers posent pied dans la région en 1512 et installent des comptoirs aux Moluques, les îles aux épices, pour faire le commerce de la muscade et du girofle. Au début du 17ème siècle, les hollandais les en chassent pour établir la Compagnie des Indes Orientales (VOC, Verenigde Oost Indische Compagnie), véritable monopole mondial dans la production et le commerce de ces deux épices négociées à prix d’or en Europe.
L’emprise des hollandais sur l’archipel indonésien est totale et ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de l’Indonésie devient la colonie des Indes Néerlandaises, véritable poumon économique des Pays Bas. La KNIL (Koninklijk Nederlands-Indisch Leger) mi-police mi-armée est créée pour assurer la sécurité de la colonie et intègre un très grand nombre de chrétiens originaires des Moluques.

Lors de la seconde guerre mondiale, les japonais envahissent l’archipel puis encouragent les indonésiens à l’indépendance. Profitant de la débâcle japonaise, Sukarno et Hatta, anciens prisonniers politiques de l’ère coloniale, proclament l’indépendance de l’Indonésie le 17 août 1945. Au départ des japonais succède le retour des néerlandais et une période de guerre civile. Lâchée par la communauté internationale ne voyant pas d’un bon œil la restauration d’une colonie, la Hollande doit accepter la création en 1949 de la Fédération des Etats Unis d’Indonésie. Rapidement le gouvernement emmené par Sukarno intègre chaque état dans la République d’Indonésie (RI, Republik Indonesia), y compris celui de l’est du pays englobant les Moluques.
Refusant la domination indonésienne, certains moluquois, dont des membres de la KNIL, proclament en avril 1950 la République des Moluques Sud (RMS, Republik Maluku Selatan) en tablant sur un soutien des Nations Unies et de la Hollande. Soucieuses de ne pas empiéter sur la souveraineté de l’Indonésie pour les premières et de redorer son blason auprès du gouvernement indonésien pour la seconde, aucune des deux n’apporte sa reconnaissance officielle au mouvement RMS. La RI envoie alors ses troupes prendre possession des Moluques. Après quelques mois de guerre civile, Ambon, la capitale des Moluques, tombe finalement en décembre 1950. Le gouvernement et les activistes RMS se réfugient dans la jungle de Seram, île montagneuse adjacente où ils mettent sur pied une guérilla qui durera encore une trentaine d’année. De nos jours, c’est dans le village d’Aburu sur la petite île d’Haruku que réside l’un des derniers noyaux RMS. Chaque année, le drapeau de la République est levé et diverses actions, non-violentes essentiellement, organisées dans la région d’Ambon résultent en l’emprisonnement des activistes, souvent condamnés à de très lourdes peines pour activités de sédition.

En 1949, après avoir perdu la guerre d’indépendance et accepté le transfert de souveraineté au gouvernement indonésien, débute pour la Hollande l’épineux problème de ses soldats de la KNIL, parqués dans des baraquements aux quatre coins de Java. Le choix leur est donné d’intégrer la nouvelle armée indonésienne (APRIS, Angkatan Perang Republik Indonesia Serikat) ou d’être démobilisés. Pour les soldats moluquois, la première solution est gênante puisqu’ils viennent de se battre contre la TNI (Tentara Nasional Indonesia, ancienne APRIS) lors de la guerre d’indépendance. Ils demandent alors à être intégrés non pas individuellement mais par unités et postés aux Moluques. Alors que les discussions sont en cours, la RMS est proclamée et nombre d’anciens KNIL prennent clairement position en sa faveur. Des clashes interviennent même entre KNIL et APRIS en divers endroits du pays. L’intégration au sein de cette nouvelle armée n’est désormais plus une option. Ne reste que la démobilisation.
Bien avant la guerre, les soldats indonésiens de la KNIL avaient obtenu le droit de pouvoir choisir leur lieu de démobilisation, celui-ci devant se trouver à l’intérieur des frontières des Indes Néerlandaises. A cause de la taille de la colonie, un soldat ne pouvait être considéré comme démobilisé qu’une fois arrivé dans le lieu de son choix. Sans surprise, les soldats de la KNIL choisissent tous Ambon comme lieu de démobilisation, avec en point de mire de rejoindre le mouvement RMS. L’Indonésie naturellement refuse et le gouvernement hollandais se retrouve dans une situation impossible: d’une part les soldats moluquois de la KNIL sont devenus de fait des citoyens indonésiens et d’autre part, il doit obtenir l’accord de la RI pour les embarquer à destination de leur lieu de démobilisation.
Les soldats choisissent alors la Nouvelle Guinée Néerlandaise, dernier territoire encore sous contrôle hollandais dans la région et limitrophe des Moluques (l’Indonésie récupérera cette énorme et riche région qui deviendra l’Irian Jaya puis maintenant la Papua après une courte guerre en 1963 et un simulacre de référendum d’autodétermination en 1969). A nouveau, l’Indonésie refuse.

Après moult rebondissements notamment au parlement néerlandais où de longs et houleux débats ont lieu, la situation cornélienne trouve son épilogue en 1951: les moluquois de la KNIL sont "rapatriés temporairement avec leur famille aux Pays-Bas". Indécis au départ, le soldats se rallient vite au projet devant la menace d’un licenciement de l’armée en cas de refus. Le choix, dans les faits, ne leur est pas donné.
Les hollandais, avec cette mesure "temporaire", espèrent que les moluquois vont peu à peu revoir leurs exigences et réticences de démobilisation après quelques mois passés aux Pays Bas et ainsi pouvoir les renvoyer au pays sans trop tarder. Les anciens KNIL eux ont foi dans la guérilla RMS et n’attendent que la reconquête d’Ambon pour retourner dans la patrie de leur cœur. Tous se trompent lourdement et aucun de ces espoirs ne se réaliseront.
Entre mars et juin 1951, 14 navires quittent l’Indonésie et emmènent en Hollande 12'500 soldats et leurs familles. A leur arrivée, deux surprises les attendent: les soldats sont libérés de leurs obligations et ils sont parqués dans différents complexes, prisons, baraquements militaires et même deux anciens camps de concentration nazis, isolés des centres urbains. Pour le gouvernement, il est exclu d’intégrer ces moluquois à la société néerlandaise puisqu’ils ne resteront sur place que peu de temps. Et il est également impossible d’intégrer des étrangers dans leur armée nationale, d’autant que la promesse a été faite au président Sukarno que les ex-KNIL ne serviraient jamais dans des unités de combat.

Pour les désormais anciens combattants, c’est le choc. La promesse de la démobilisation en un lieu de leur choix n’est pas respectée et en plus ils vivent en isolement. Le mécontentement grandit et les actions en justice se suivent. La situation est très tendue et le devient encore plus quand l’évidence s’impose: les moluquois ne retourneront jamais chez eux. Le gouvernement change alors de stratégie et ordonne une intégration forcée, refusée par les internés. Auparavant interdits de travail, ils sont désormais poussés à le faire ne recevant plus aucune aide. Les cuisines communes des camps sont fermées, les repas autrefois fournis doivent être gagnés. Pour des soldats ayant servis la nation et ne voyant que ce travail comme futur, la situation est difficile à accepter. C’est une véritable trahison.
En 1959, l’idée de fermer les camps commencent à faire son chemin dans le gouvernement néerlandais. Le but est de réduire la distance entre les moluquois et la société locale afin de poursuivre leur intégration. L’idée ne plaît guère aux moluquois. Non seulement ils s’étaient faits à la vie dans les camps mais en plus les supprimer constituent à leurs yeux une ultime atteinte à leur statut de soldats. La force est donc utilisée pour déplacer les familles des camps aux quartiers de maisons individuelles construits en périphérie de centres urbains. Le processus de relocalisation prendra 30 ans…

Pendant ce temps en Indonésie, un coup d’état renverse Sukarno et la guérilla RMS voit son leader charismatique Chr. Soumokil capturé et exécuté. Cet événement constitue un tournant pour les moluquois de Hollande dont les jeunes, nés pour certains sur place, se radicalisent. Entre 1966 et 1977, plusieurs actions violentes (attaque de l’ambassade d’Indonésie à La Hague, détournements et prises en otage de trains, prise d’otages dans une école) ont lieu, avec plusieurs morts à la clé, et expriment le ras le bol de la minorité. Le gouvernement prend alors conscience qu’il doit mieux s’occuper de ses minorités (moluquoise certes mais aussi surinamienne, marocaine et turque) et de leur intégration, notamment en matière d’emplois. La plupart des moluquois sont sous éduqués et n’accèdent qu’à des postes de bas niveaux.
L’épineux et jamais résolu problème de la démobilisation des soldats de la KNIL refait également surface. Mais en 1980, les plus jeunes de ces soldats sont des cinquantenaires et ne peuvent plus être réintégrés dans des unités. Une rente annuelle leur est alors versée et différents programmes d’aide à l’emploi et à la culture moluquoise sont mis en place.

Aujourd’hui, au contact de cette communauté, on sent une grande fierté d’être moluquois et une grande détermination à faire perdurer la culture et, pour certains, le combat pour l’indépendance des Moluques, bien que la plupart d’entre eux soient des "seconde génération" issus de mariages mixtes. Une plongée de ce monde post-colonial permet également de réaliser que tout ce pan de l’histoire des Pays-Bas est largement méconnu des néerlandais eux-mêmes et n’a jamais figuré dans le cursus scolaire.
Parmi les 12'500 moluquois embarqués sur les navires hollandais, 36 hommes venaient des îles Aru, petit archipel à l’extrême sud-est de l’Indonésie. Selpianus Djelau originaire de Wakua et Mozes Mangar de Selibata, village voisin en faisaient partie. 58 ans plus tard, Selpianus Djelau est décédé et Mozes Mangar, 80 ans, est le dernier de ces Orang Aru (gens d’Aru) encore en vie. Avec lui, s’éteindra cette lignée et l’histoire qui l’accompagne. Raconter sa trajectoire d’ancien soldat de la KNIL et celle du fils de Selpianus Djelau, Marthin, c’est témoigner d’un passé peu connu ni documenté et participer à rétablir les liens viscéraux qui attachent les Orang Maluku restés au pays de ceux ayant grandi en Europe –ils sont environ 40'000, la cinquième génération a vu le jour– mais que l’éloignement géographique a fragilisé.

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